Dans la frénésie des réformes entretenue sous le règne Sarkozy, il y en a une qui a particulièrement retenu mon attention : la loi hôpital, patients, santé, territoires menée par la sémillante madame Bachelot, ministre de la santé. Le petit Nicolas nous livre ici un énième exemple de son extraordinaire capacité à réformer tout, vite, et mal ; mais surtout en se gardant bien de consulter qui que ce soit de compétent en la matière.
Présentée le mercredi 22 octobre dernier en conseil des ministres, le texte a été débattu à partir du 10 février au parlement et adopté à 292 voix contre 199 à l'Assemblée Nationale le 18 mars, malgré l'opposition des groupes socialiste, radical et citoyen (SRC) et de la gauche démocrate et républicaine (GDR, PC et Verts).
Pour y voir plus clair dans cette réforme, résumons ses principaux axes :
S'il était clair pour tout le monde que l'état actuel de l'hôpital public nécessitait une réforme, on peut cependant se poser une question simple en tout légitimité : la loi Bachelot répond-elle aux besoins et problèmes que rencontre le système de santé français ?
Il faut tout d'abord bien isoler les différents points de vue, dont les intérêts sont - pour certains - loin de converger.
Le premier concerné, le patient occasionnel comme vous et moi : qui ne peut pas consulter de spécialiste avant d'avoir vu son médecin traitant ; qui attend des heures aux urgences avant que l'on s'occupe de son cas ; qui, vivant à la campagne, doit faire 70km pour aller à l'hôpital car celui près de chez lui voit ses services fermés les uns après les autres ; ou encore la femme qui retourne chez son généraliste deux à trois fois par an pour une prescription de pilule même pas remboursée, car sur le marché depuis trop peu de temps. Bref, pour le petit usager, la santé coûte cher, prend du temps et est excessivement mal organisée.
Les médecins, libéraux d'abord, travaillent jusqu'à des heures impossibles car trop peu nombreux, phénomène encore accentué à la campagne. Les praticiens hospitaliers sont quant à eux débordés : trop peu de personnel (administratif comme médical), locaux vétustes, peu pratiques et se prêtant mal aux soins ou aux transports de patients, médicaments, etc., services spécialisés fermant les uns après les autres depuis plusieurs années, regroupements hasardeux de centres hospitaliers les obligeant à jongler entre deux sites pour exercer... Bilan négatif donc : trop peu de personnel et conditions de travail déplorables ne leur permettant pas d'exercer leur profession correctement.
Du point de vue de l'Etat, les choses sont sensiblement différentes. La santé coûte une fortune : entre la sécurité sociale (célèbre "gouffre français" en 2 lettres dans les mots fléchés des journaux gratuits), et l'entretien des CH(U) en déficit de plus en plus conséquent depuis des années, il faut trouver une solution pour remédier au problème. A noter que plusieurs réformes avaient déjà été mises en place dans le passé à cette fin : le passage obligatoire par le médecin traitant avant d'aller voir un autre spécialiste, la vaste campagne de publicité pour les médicaments génériques, le bassinage "les antibiotiques, c'est pas automatique", pour des résultats très mitigés.
Et puisque santé doit désormais rimer avec rentabilité sous le gouvernement Sarkozy (mais qui a bien pu leur mettre une idée pareille en tête ?), nous assistons à cette réforme en profondeur qui ne répond ni au mécontentement de la population à ce sujet, ni aux besoins des malades, ni aux requêtes des médecins. Mais dans ce cas, à quoi peut-elle donc bien répondre ?
Du point de vue santé, que fait la loi HPST ?
Elle nomme un chef d'établissement-despote qui devra gérer son hôpital comme une entreprise. En d'autres termes, un pion nommé par le gouvernement, mis en poste pour surveiller et contrôler le milieu hospitalier, jusque là dirigé et administré par des médecins. Inutile d'aller voir bien loin pour savoir ce qui en résultera : ce chef d'établissement en forme de liquidateur d'entreprise en déficit fermera les services non rentables (maladies chronique, rares, incurables, soins palliatifs, recherche et expérimentations), centralisera les services d'urgences et de chirurgie pour aller jusqu'à fermer de petits hôpitaux de proximité jugés obsolètes.
Concernant la répartition des médecins sur le territoire, elle régionalisera le concours de médecine pour obliger les futurs praticiens à s'installer dans les zones "désertiques". Mesure qui non seulement porte atteinte à la liberté d'installation du médecin, mais contient également une conséquence plus inquiétante : la transformation du diplôme de médecin en un diplôme à plusieurs niveaux. En effet, si certaines régions sont vides, c'est bien que personne ne veut s'y installer, et ce n'est pas le loi HPST qui y changera quoi que ce soit ! Les concurrents seront donc très peu nombreux à y concourir, ce qui rendra le diplôme facile à obtenir... un diplôme au rabais, décroché par des étudiants pas forcément compétents.
Concernant les clauses de prévention et santé publique, les dispositions prises sont assez consternantes. La prévention est déjà largement mise en place par différents organismes (prestations de praticiens hospitaliers dans les établissements scolaires, publicités de l'Etat à la télévision, multiples associations sur diverses maladies, etc.) ; quant à la santé publique, qui peut croire que l'interdiction totale de vente d'alcool aux mineurs sera applicable et effective ? De même pour la suppression des open-bars et autres happy-hours ? Sans parler de cette ridicule mesure concernant la vente de "cigarettes-bonbons".
Et enfin, le plus croustillant des sujets, les ARS. Cette fois encore, mais d'une manière encore plus choquante et marquée, l'intrusion de l'Etat dans l'administration hospitalière pointe le bout de son nez. Certes, l'hôpital c'est le service public, l'Etat y a donc un droit de regard... de là à vouloir tout régir et contrôler ? Permettez-moi d'en douter. Main dans la main avec les chefs d'établissements, leur pouvoir s'étendra sur tout le domaine de la santé : prise en charge des malades, création et organisation des structures d'accueil, recrutement et gestion du personnel, etc. Un despotisme un peu douteux, non ?
Bref, nous avons ici affaire à un texte qui illustre très bien la théorie du "grand recul en avant" pratiqué si habilement par notre bien-aimé président depuis sa prise de pouvoir : s'agiter dans tous les sens, réformer plus que de raison pour donner une fausse impression d'évolution, alors que l'on revient en fait sur des acquis.
La santé est une affaire de médecins, mettre un homme du pouvoir en place à sa tête est un aberration. Que connait en matière de santé un cadre sortant d'un IEP, d'une école d'ingénieur ou de commerce ? Toutes aussi grotesques sont les mesures prises en terme de santé publique, une espèce de poudre lancée aux yeux de la population pour faire semblant que les choses bougent alors que tout reste désespérément statique. Sans parler de la mise en place d'un diplôme au rabais pour palier à la pénurie de médecins dans certaines régions, qui ne fera que creuser les écarts qui existent déjà dans la qualité des soins délivrés dans différentes régions.
Bref, s'il est clair que le milieu de la santé doit être réformé, il semble pour autant évident qu'il ne doit pas l'être de cette manière. Plutôt que de traiter chaque problème un par un de manière superficielle, pourquoi ne pas s'attaquer à la cause, ce qui règlera naturellement et définitivement la fâcheuse conséquence ? par exemple construire des hôpitaux spécialisés et riches en recherche dans les "déserts" pour attirer les médecins, réorganiser les centres hospitaliers pré-existants pour y instaurer une plus grande cohérence entre les services, embaucher du personnel et leur offrir reconnaissance et rémunération dues à leur statut pour favoriser le travail en équipe, etc.
Mais comme toujours, c'est l'immédiat qui prévaut sur l'efficace. Le court terme sur le long terme. La mesure démagogique sur la restructuration profitable. Le mandat du président dure 5 ans, il faut FAIRE pendant ces 5 ans, être actif, donner l'impression d'être efficace... ce qui est hélas bien loin d'être profitable.
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Bonne visite ;-)
Bonjour,
Un détail : la loi HPST n’a pas créé la fonction de directeur, qui existe de longue date et étaient déjà nommés par le ministère, les médecins n’ayant jamais été en charge de “diriger et administrer” un établissement public de santé. Par contre cette loi élargit les responsabilités des directeurs et modifie la gouvernance de l’hôpital en particulier pour décider du projet médical. C’est essentiellement à ce propos que les médecins PH sont en désaccord avec cette loi…et personnellement je partage ce mécontentement.
Ce détail formulé, l’article présente globalement une analyse des objectifs et des dispositions de la loi HPST que je partage. Mon sentiment est que cette loi prépare des potions amères pour saigner le service public hospitalier sous prétexte de le sauver, à la manière des médecins de Molière”.
Bonne continuation
Bonjour Insolite85,
D’abord merci d’avoir pris la peine de lire l’article puis de le commenter. Effectivement, le poste de directeur existait déjà. Le changement que je soulignais concernait l’outrancière augmentation de ses pouvoirs (=> projet médical par exemple).
Jusque là, les médecins avaient une certaine liberté d’exercice et de décision. Avec un pouvoir fort et extérieur comme celui que cette loi prétend instaurer, on peut s’attendre à une nouvelle donne bien amère.
Je me permettrai d’ajouter que cette loi est en outre beaucoup critiquée pour le fâcheux penchant qu’elle présente pour la “médecine mercantile” (point que je n’ai pas particulièrement développé dans mon article – déjà assez gros comme ça – mais qui me semble important malgré tout).
Si les cliniques privées font de larges bénéfices, c’est parce qu’elles pratiquent la médecine rentable : petites manip’ radio, biochimies en tout genres, chirurgie plastique, etc. Elles peuvent refuser les patients “en trop” et les rediriger vers un service d’urgence, le service proposé est donc de bien meilleure qualité dans de bonnes conditions.
Pas étonnant que de plus en plus de personnes refusent d’aller à l’hôpital ensuite… les services sont engorgés. L’hôpital perd tous les clients à la médecine rentable (qui se tournent tous vers les cliniques) tandis qu’il conserve ce dont personne ne veut s’occuper (car bien trop cher) : oncologie, maladies chroniques ou incurables, traitements palliatifs.
Pas étonnant qu’avec tout ça, la santé soit un gouffre financier. En réglementant le milieu privé, on pourrait diminuer le déséquilibre budgétaire (mais non l’équilibrer c’est une évidence, la santé n’est pas faite pour renflouer les caisses de l’État).
Or, c’est tout le contraire qui est en train de se passer. Cette loi transforme doucement l’hôpital public en clinique privée. Mais alors ? Ils passent où nos cancéreux ? Cherchez l’erreur…
Les USA constituent l’exemple le plus prégnant de la logique de l’intérêt privé, du profit primant sur tout autre considération, dans le domaine de la Santé.
Cela est vrai pour la santé physique, comme pour la santé mentale : l’intérêt de la société ne se veut pas d’être une aide gratuite et humaniste envers ses citoyens mais bien au contraire de remettre ces mêmes individus sur les rails, de les rendre socialement et économiquement profitable le plus rapidement possible.
Comme dans toute chose, la société est ainsi régie par un conflit d’intérêts, et ce, à quelque niveau d’échelle que ce soit. Il faut trouver un Equilibre pour satisfaire au mieux chaque personne ou entité.
Au lieu de protéger la Recherche, l’Education, le Savoir, la Culture ou la Santé et tout faire pour les élever vers le haut (et donc les citoyens), cette politique les diminue en divisant les gens entre ceux qui peuvent avoir y accès et ceux dont l’ascenseur social est en panne.
L’appel de l’association des médecins urgentistes de France (AMUF)
Nous,
médecins urgentistes de toute la France,
annonçons dès maintenant, que quelque soit l’avenir de la loi HPST, en parfaite conscience de la gravité de notre geste, demain nous entrerons en résistance.
Nous continuerons à accomplir la mission que le conseil national de la résistance a souhaitée pour l’hôpital public.
Nous accueillerons à l’hôpital public, en tout temps, en tout lieux, tous les hommes et toutes les femmes qui se tourneront vers le service public de la santé.
Aucun patient n’est une marchandise, nos hôpitaux ne sont pas des entreprises où un pseudo PDG pourra demain décider quels sont les bons et les mauvais soins, quel est le projet médical que les médecins “à la botte” devront mettre en œuvre.
Notre dignité est de refuser de choisir les patients “qui valent la peine”. Notre dignité est de voir dans chacun de ceux et celles qui se tournent vers nous des hommes et des femmes souffrant qu’il faut aider au nom de l’humanité, qui n’est pas une valeur de marché.
Nous appelons tous les soignants, s’il le faut, demain, à désobéir à la logique qui nous est imposée malgré tous nos appels à la raison.
Nous préférons la légitimité à la légalité.
Nous préférons les valeurs humaines à la loi.
Nous préférons la dignité aux honneurs.
Il n’existe pas de délit de solidarité.
Nous entrons en résistance parce que nos valeurs sont différentes de celles de cette loi, nos valeurs sont celle du Conseil National de la Résistance et de notre république : “liberté, égalité, fraternité “.
Signez la pétition sur http://www.amuf.fr
A faire circuler de toute urgence, notre santé est en danger!
Bonjour,
je voudrais savoir pourquoi la nouvelle loi du ministre Bachelot se nomme HPST ?
Merci d’avance
Bonjour,
Je ne suis pas l’auteur de cette article mais je peux peux-être répondre à vos questions.
Pouvez-vous préciser votre question ? Vous souhaitez connaître la raison du choix des termes : Hôpital, Patients, Santé, Territoire (HPST) ?